S. Erasmo Zinkal

Prologue

 

J’habitais en France, loin de ma famille en Italie.
Tous les jours on se téléphonait, et on se racontait nos journées. On payait, tous les deux mois, des factures exorbitantes.
Soudain, dans les discours de mes proches apparurent des événements surnaturels, comme des taches de sang sur un tissu.
Ma mère en parlait avec nonchalance, et les mêlait à des sujets plus terrestres: travail et petits enfants, jardinage et informatique.
Mon père semblait tout compénétré d’une tâche sacrée, et sûr, depuis le départ, de l’issue de cette affaire.
Ma sœur, intolérante à tout ce qui a trait à l’irrationnel, ne savait pas encore comment réagir.
Je vous parle de trois personnes que j’aime, mais surtout que j’estime, puisque elles ont un point commun: une totale, inguérissable honnêteté.
Je n’ai jamais douté de ce qu’ils me racontaient, sans hésitation ni regret.
Et tout le monde connait bien les conséquences possibles d’un fait reporté par des témoins oculaires, digne de foi… Il suffit de penser à cet événement qui remonte à il y a deux mille ans!
Ce fut ainsi que j’entendis parler des guérisons miraculeuses, et décidai d’en écrire.

De retour en Italie, je contactai les protagonistes.
Je parlai avec sœur Maria Matilde Dell’Amore, qui était encore étonnée et même un peu contrariée de se trouver au beau milieu d’un de ces prodiges.
Je parlai avec Salvatore Casciaro, miraculé très confus, perturbé au point de souhaiter être un simple spectateur.
Le troisième protagoniste de cette histoire, Agostino Roscelli, je ne pouvais pas le contacter si facilement, puisque il était mort depuis cent ans. Mais quelqu’un d’autre l’avait rencontré, récemment.
Ma mère l’avait croisé.
Matilde l’avait trouvé plusieurs fois sur son chemin.
Quelques années plus tard, ça aurait été le tour de Salvatore.
Et ainsi de suite, la même chose était arrivée aux amis, familier, conjoints, collègues, médecins…
Chacun d’entre eux avait traversé, sans s’en rendre compte, la distance temporelle, apparemment infranchissable, qui le séparait de la vie mortelle du père Roscelli.

Et puis, à force de parler avec les témoins, de lire page après page sur sa vie, de le chercher partout…
Moi aussi, je l’ai rencontré.

Pour lui, pour eux tous, pour vous tous… Je veux raconter cette histoire humaine.
Je ne prétends pas expliquer ce qui reste inexplicable.
Je veux tout simplement vous dire ce que j’en sais.


MA MERE RENCONTRA LE PAUVRE PRETRE


Première partie
Juin 1974


1.
Ni jour ni nuit

Matin d’été.
En théorie le ciel est bleu, le soleil brille et il fait chaud.
En pratique ma mère, radiologue, travaille dans les souterrains du septième pavillon, à l’hôpital San Martino.
Là-bas toutes les heures du jour sont pareilles, et ainsi tous les jours de l’année.
La lumière du soleil n’y arrive jamais, et souvent, au cours d’une journée de travail, Marisa oublie même si on est en hiver ou en été.
Il lui arrive d’avoir froid en plein mois d’aout: les pieds gelés, la pointe du nez glacée.
Ce matin elle a bu un café au lait avec mon père, à la maison, avant de sortir, et un café serré ici dans le couloir, au distributeur.
Il est tôt: l’heure des examens les plus urgents, ceux qui précèdent une intervention chirurgicale.
Ma mère se dirige vers la salle d’attente, pour rencontrer le premier “cas” de la journée.


2.
Réflexions d’une enseignante

“Attendre, c’est toujours énervant. Nous tous, au fond du cœur, pensons être immortels, et que la maladie et la mort ne regardent que les autres. C’est pourquoi, quand on s’assoit dans une de ces salles d’attente, à l’hôpital, le monde se renverse, les projets sont tous remis en question. Dans moins d’un mois, il y aura le BAC.  Serai-je toujours là? Serai-je… Malade, convalescente, guérie? Mes élèves…. Ils comptent sur moi. Et maintenant? Seigneur, fait que ce ne soit pas trop grave. Je me suis tellement donnée avec eux. C’est difficile de faire aimer une matière comme la philosophie, mais j’y suis arrivée. Les jeunes ont soif d’absolu. Ils ont besoin de respirer quelque chose de pur, dans ce monde qui les étouffe avec son matérialisme… L’homme ne vit pas que de pain… Voilà, ils m’appellent, mon tour est arrivé.”


3
L’heure des mots

D’habitude, ma mère dialogue avec les patients, avant l’examen. D’autres radiologues esquivent cette tache; leur rapport avec les malades commence et finit avec la radio. Elle, par contre, a besoin de les regarder dans les yeux, écouter leurs voix.
Curiosité? Conscience?
Elle a été critiquée âprement, pour cette coutume.
“Madame le docteur, vous avez quatre enfant… Quatre adolescents! Comment pouvez-vous parler aux malades sans prendre de précautions, à peu de centimètres de distance?
Les patients du pavillon sont presque tous tuberculeux, et on sait bien qu’il suffit d’une goutte de salive…
Pendent quelques temps, Marisa a essayé de garder la distance avec les malades, et leur parler sans les regarder, pour éviter la contagion par voie respiratoire.
Bientôt elle en a eu honte.
Pouvait-elle se conduire comme si les patients n’étaient pas là?
Ils étaient malades, mais vivants.
Elle ne pouvait pas les traiter comme s’ils étaient morts.


4.
La rencontre

Ma mère se souvient de ce matin-là d’une façon nette, mais rapide; comme si la rencontre avait duré quelques instants, un flash.
Dans l’obscurité partielle de son cabinet de consultation, elle aperçoit la patiente debout: la silhouette grande, vêtue de noir, l’éclat de son regard vif.

«Racontez-moi. Qu’est-ce qu’il vous arrive?»
«Hier j’ai avalé une épingle, involontairement.»
«Quelles dimensions? Avez-vous une idée?»
«Bien… Cinq centimètres, peut-être.»
«Mon Dieu… Comment cela vous est-il arrivé?»
«Je l’avais entre mes lèvres; j’étais sur le point de l’utiliser.»
«Vous êtes  couturière?»
«Non, j’enseigne la philosophie. J’étais en train de bavarder avec une collègue, tandis que j’essayais de fixer le voile sur mes cheveux. Nous avons ri ensemble, et l’épingle m’a échappé des lèvres. J’ai perçu comme un plume qui passait dans ma gorge, sans douleur.»
«Et puis?»
«Je n’arrêtais pas de la chercher par terre; en vain. Je croyais qu’elle était tombée.»


5.
L’image

«Voyez-vous? Les poumons sont ces deux triangles.»Marisa fixe les yeux sur le négatoscope: un tableau lumineux, grand comme toute la paroi, sur lequel on suspend les radios pour les examiner. La patiente aussi regarde vers l’image.La forme de l’épingle, nette, se dessine à la base du poumon gauche. La tête se trouve vers le bas et la pointe vers le haut, presque en vertical.Ma mère se mordille les lèvres.Les bronches n’ont pas une forme rectiligne; au contraire, elles sont tordues, comme les branche d’un arbre.Et cette épingle, aussi longue… Est-il possible de la sortir, sans intervention chirurgicale?La pointe, tournée vers le haut, empêchera le corps étranger de bouger, d’avancer: il va s’accrocher, perforer les tissus… Il se trouve dans la position moins favorable pout une sortie spontanée.Marisa se tait.L’épingle, dans l’appareil respiratoire, peut provoquer rapidement une inflammation pulmonaire; et ce n’est qu’une des hypothèses possible; on ne peut pas la laisser où elle est.Si le corps étranger ne sort pas spontanément (et ma mère ne voit pas comment il pourrait) il faudra une thoracotomie. En d’autres mots, il faudra ouvrir le thorax pour mettre au découvert la bronche et atteindre le corps étranger.Elle se tourne vers  la patiente:Quel âge avez-vous?-Cinquante-un ans.  –

Les yeux de ma mère se sont habitués à la pénombre. Du coup, elle remarque le voile noir sur sa tête. Matilde est une sœur.


6.

Veille

Sœur Matilde, dans son lit d’hôpital, regarde un calendrier accroché au mur. Le temps lui échappe. Elle est abattue.

L’accident est arrivé vendredi, il y a dix jours: aujourd’hui c’est dimanche.Dans l’après-midi ils ont essayé de localiser le corps étranger avec la bronchoscopie, e puis de le sortir avec la fibroscopie.Rien à faire.L’épingle semblait enracinée dans la bronche.C’est pourquoi demain, lundi, l’intervention chirurgicale aura lieu. Il n’y a qu’à laisser passer la nuit.Ce soir les autres sœurs sont venues la visiter, et l’ont quittée en lui rappelant que, toutes ensemble, elles prient pour elle.Avant de s’endormir, ses pensées glissent vers le passé, jusqu’aux jours de son enfance.


7.

Rêves et souvenirs

Il y a quarante ans, Matilde est une fillette qui fréquente l’école primaire des sœurs de Maria Immacolata, en rue Volturno, dans un vieux bâtiment qui à présent n’existe plus. Il y a une grande croix noire en bois, au sommet de la première volée de marches. Les élèves montent en courant, mais ne peuvent s’empêcher  d’interrompre leurs bavardages et leurs rires, sans savoir pourquoi. Les plus âgées s’arrêtent, touchent la surface sombre, raboteuse, et se font le signe de la croix. Matilde apprend à répéter ce geste: une prière pour vaincre le sentiment d’effroi qui la saisit, en voyant cette croix qui incombe. L’enfant est vivace, même exubérante. Les sœurs sont sévères: il suffit d’une bousculade è une copine, d’une réponse impertinente, et elle se retrouve chez la Supérieure. Sœur Serafina, à sa grande surprise, ne se fâche pas. Elle lui prend la main et l’amène dans un petit bureau presque vide, et la fait asseoir dans un vieux fauteuil en cuir, seule pièce d’ameublement.

«Reste-là tranquille… Et prie le Fondateur!»- «C’est son bureau?» «Oui.» La sœur la laisse seule une demi-heure. Qui sera-t-il le Fondateur? Aussi gentil qu’il lui prête son refuge, chaque fois qu’elle est dans le pétrin.  À quoi servirait-il de châtier une petite fille turbulente? Sœur Serafina est admirable pour sa finesse psychologique. Le bureau du Fondateur est une oasis de silence, un lieu de méditation, un tranquillisant de grande efficacité.

Le Fondateur, éclectique, résout tout problème. Si ce n’est pas un miracle, ça! «Mère… Mais où est-il le Fondateur? Je ne l’ai pas encore rencontré.» «Au Paradis. Autrement, à quoi servirait-il de le prier?» Ça paraît logique. S’il n’était pas là-haut, comment pourrait-il faire des miracles, simples ou immenses? Les années passent.

L’enfant devient adolescente; l’adolescente laisse sa place à la femme adulte; elle choisit de prendre le voile, pendant la guerre. Matilde s’agite sous les draps; puis, rassérénée, glisse dans le sommeil. La chambre d’hôpital semble plus petite, plus vide; dans l’air flotte le parfum de cuir du vieux fauteuil, et l’écho d’une voix familière, disparue depuis longtemps. “Prie le Fondateur!

8.

L’heure cruciale

Lundi matin.

Sœur Matilde est retournée dans le service de radiologie.La routine impose un examen du thorax, requis par l’anesthésiste, avant l’intervention chirurgicale. Ce contrôle a pour but de faire le point sur les conditions actuelles de la patiente ; de s’assurer qu’aucune complication qui puisse contre-indiquer l’intervention ne soit survenue et également de préciser la position actuelle du corps étranger.Les médecins savent que l’épingle se trouve dans une bronche distale, c’est à dire périphérique: loin de la trachée, et de la sortie.L’examen n’est pas fait pour vérifier si l’épingle est toujours dans la bronche, parce qu’il est clair qu’elle ne peut pas bouger, encore moins sortir spontanément.

9.

Un événement inexplicable

Impression de déjà-vu. Encore une fois, le couloir éclairé, et le sentiment d’aveuglement, en rentrant dans la salle radiologique   dans la pénombre. La sœur, calme, immobile, attend. Ma mère regarde la radio, et aussitôt secoue la tête.

«Il y a une erreur. » Ça arrive, parfois. Probablement il s’agit d’une méprise sur  le patient. Rapidement, on répète la radio, mais l’image qui en sort est la même, bien qu’invraisemblable. L’épingle a disparu. Quelques minutes plus tard, il y a une petite foule de radiologues et chirurgiens, qui se pressent autour des images étonnantes, suspendues au négatoscope. 

10.

Où?

Les médecins, bien que habitués à réagir avec vivacité d'esprit face aux situations les plus sidérantes, ont besoin de quelques instants pour s’adapter à l’étrange phénomène.

C’est l’heure de se poser la question suivante: où est passé le corps étranger? S’est-il évanoui dans le néant, vaporisé? Après le choc, une autre radio le trouvera…. Dans l’intestin. Stupéfaction générale. Est-il possible qu’une épingle fasse un tel tour de prestige, et qu’elle passe, au cours d’une nuit, d’une bronche au colon? Ce n’est pas possible. Et alors? Les réponses devront attendre. Ce qui compte, c’est que l’épingle est hors d’état de nuire. Plus tard la patiente pourra l’expulser sans problème. Évité le danger, maintenant il faut tourner la page. Tout a été si rapide: le temps de regarder une paire de radio, quelques instants pour absorber le coup. Mais il y a d’autres patients qui attendent leur tour. Le temps ne s’arrête pour personne: ni pour les questions sans réponse, ni pour l’étonnement.

11.

Quelqu’un là-haut

Pendent ce temps, ils ont oublié  sœur Matilde. Elle est restée débout, et observe le va-et-vient des médecins, et écoute les commentaires, les exclamations, tel un simple spectateur. Dans le remue-ménage, elle semble plus calme que les autres. Plus tard, elle dira qu’elle n’avait pas pleinement saisi la portée de l’événement. Mon père,  Bruno, radiologue lui aussi, s’arrache de la stupeur et lui demande si elle veut s’allonger. Sœur Matilde décline l’offre: ce n’est pas le cas, elle va très bien. La sœur se souvient, avec un peu d’ironie, que c’est plutôt mon père qui est pâle, perturbé. Avec une voix qui tremble un peu, un petit sourire sur les lèvres, il lui demande:

«Dites-moi la vérité… Vous avez un Saint au Paradis?»
Maintenant Matilde s’émeut pour de bon: son cœur bat la chamade. Elle n’arrive pas à lui répondr

12.

De mots et des pensées

Le travail presse. Sœur Matilde? Où est-elle? Sortie? Le cas suivant s’approche. Il parait assez compliqué. Comment peut-on expliquer ce qui vient d’arriver? «Faites rentrer le patient. Je ne vois pas son dossier médical… S’il vous plaît, cherchez-le !». «Docteur, il faut fermer la fenêtre, il pleut sur les radios!» «Mais moi, si je ferme la fenêtre, j’ai du mal à respirer.». «Le médecin-chef de pneumologie est-il arrivé ? Dans cet endroit là, ça m’étonnerait que ce soit une tumeur.» Et l’épingle ? «Cette radio il faudra la refaire, le patient a respiré, il n’est pas resté en apnée!» Quel mystère… «Pouvez-vous répondre au téléphone, vous autres? Là je ne peux pas.» Il faut une tomographie oblique sur l’hémi thorax droit.Il faut vérifier la perméabilité des bronches. Allons boire un café! Je n’en peux plus. «Faites allonger ce patient, il faut lui prendre la tension.» L’épingle… Aura-t-on jamais une explication? «Passez-moi la chirurgie thoracique. L’examen histologique, où est il passé? Nous sommes en retard…» L’épingle ?? Cliché postopératoire,  épanchement pleural, l’ép…  «Encore une fois, il manque le dossier médical du patient!  Pneumothorax… Je n’ai que quelques examens à regarder, puis c’est fait. Atélectasie pulmonaire segmentaire, excavation… Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Je rentre chez moi.»


13.

Le Fondateur

On l’appelle « le pauvre prêtre » parce qu’il a grandi dans la misère la plus profonde: enfant, il mène les troupeaux au pâturage. En suite, pendant cette époque de famine, il refuse de les manger, quand on les abat.  

Il se fait prêtre à Gênes, et vit toujours dans la pauvreté, dans le choix des dernières places, dans le sacrifice de toute reconnaissance humaine. Les marginaux, les prisonniers, les mères célibataires, les perdants de ce monde sont ses fils et ses filles, ses frères et ses sœurs.    C’est bien lui qui accompagne les condamnés à mort jusqu’à l’échafaud. On l’appelle “l’homme du silence” : tout, en lui, tend à passer inobservé. Il ne domine pas les foules et il ne bouleverse pas les consciences. Le silence est son emblème et le signe particulier de sa présence. Le bien qu’il a accompli ne fait pas de bruit, aujourd’hui comme il y a cent ans. C’est un grain qui croit en silence. Il donnera vie à un arbre qui grandira jusqu’à effleurer les nuages. Un siècle après sa mort, cet arbre donne encore ses fruits. Ainsi le grain ne se disperse pas. Et celui qui l’a semé vit toujours, un siècle après sa mort. Matilde le rencontre à l’école, dans son enfance ; en suite elle le rencontre au seuil d’une intervention chirurgicale qui n’aura jamais lieu. Le Père Roscelli lui fait cadeau d’un miracle gentil, en accord avec sa personnalité. Il ne lui sauve pas la vie : à notre connaissance, les jours de Matilde n’étaient pas en danger. Mais l’idée d’abandonner ses élèves, au moment des examens, était pour elle beaucoup plus préoccupante que le souci de sa propre santé. Lui, le Fondateur de ses années d’écolière, aura tout compris. Il aura souri, se rappelant la gamine d’autrefois, assise dans le calme de son petit bureau. Un miracle silencieux? Un miracle insignifiant? Pourtant, il sera reconnu avec une grande rapidité.

14.

Retour

Sœur  Matilde, soudainement  hors de l’hôpital, rentre au couvent. Elle ne téléphone pas pour prévenir les consœurs : tel est sa hâte de retourner à sa vie de tous les jours. Mais, au point de vue psychologique, elle n’arrive pas à s’en remettre. Elle a le sentiment d’avoir perdu ses points de repère, et de marcher dans le brouillard. Dans sa vie, une déchirure immense s’est ouverte. Il y a eu un changement de scène prodigieux. D’abord, l’attente dramatique de l’intervention, l’anxiété, le chirurgien, l’anesthésiste, les médecins en effervescence… Ensuite, une simple sœur retourne chez elle en bus.

Suspendu entre AVANT et APRЀS, il y a un petit objet commun.
Une épingle vagabonde.
Et son voyage dans le corps de sœur Matilde n’a pas d’explication scientifique.
Il s’agit d’un événement surnaturel. 

15.

La sœur de l’épingle

Sœur Matilde :

«Il me fallut beaucoup de temps pour me décider à croire qu’il s’agissait d’un miracle : cinq ans. D’autres le comprirent tout de suite, et me convainquirent, jour après jour, avec la force de la goutte qui creuse la pierre. Je pensais qu’un miracle était quelque chose de plus éclatant, comme la guérison d’un malade en point de mort. Mais j’avais tort. Il s’agissait bien d’un miracle, pour moi aussi. Il existait une multitude de grâces obtenue par l’intercession du père Roscelli. Depuis 1932 on recueillait ces données en vue d’une hypothétique béatification. A partir de 1968, c’était moi qui m’en occupais. Il y avait eu plusieurs cas qui me paraissaient bien plus dignes d’attention de ce qui m’était arrivé. Au début de 1993, en haut lieu on décidât que mon cas devait être présenté à l’attention de l’Eglise ! Ce fut une surprise assez désagréable pour une femme aussi réservée que moi. J’avais même honte d’aller à la recherche des certificats nécessaires pour prouver le fait. Mais je me fis force. À mon grand étonnement, je découvris qu’à l’hôpital San Martino tout le monde se rappelait de moi. Voici la phrase avec laquelle ils m’accueillirent : « Tiens, la sœur de l’épingle ! » Un autre fait inexplicable : les documents dont j’avais besoin furent retrouvés immédiatement, après un intervalle de temps aussi long ! Cela semblait incroyable. Les archivistes de l’hôpital craignaient que toute trace ait été perdue. Après dix ans les radiographies n’étaient plus conservées.

 16.

Qui connaît l’avenir ?  

N’en voulez pas à ma mère si, en rentrant à la maison, elle ne pense plus à l’événement.N’importe quel médecin apprend précocement à conserver ses pensées de travail et de cœur dans deux compartiments étanches bien séparés. Il vaut mieux passer de l’un à l’autre sans rien amener avec soi : en cherchant à s’envelopper, à chaque passage quotidien, dans un oubli confortable. Ainsi, la voilà à table, avec ses quatre enfants.Il y a Alberto, assis en face d’elle. Il a dix-neuf ans, et peut-être, parmi ses enfants, c’est celui qui manifeste l’intelligence la plus aigue. Il fréquente l’université,  Sciences Physiques, en avance d’un an sur ses camarades.Enrico, dix-sept ans, chevelure blonde et visage d’ange, est très différent: il a l’air d’apprécier d’avantage les échecs et les jeux de cartes plutôt que ses études au lycée.Moi aussi, je suis là : Marilena, vautrée sur ma chaise, avec un livre caché sous la table ; adolescente de seize ans, moi aussi au lycée, avec un intérêt dévorant pour la littérature.Ma mère nous regarde, assis autour d’elle, et pense : que ferons-nous quand nous aurons grandi ?Deux parents médecins, si passionnés par leur métier…

Aucun des enfants ne suivra-t-il leurs empreintes ?Du coup, elle s’aperçoit que Luisa, la petite de onze ans, n’est plus à table: elle n’a jamais faim, et justement elle vient de s’éclipser en douce.Ma mère part à sa recherche.Finalement, elle la trouve cachée sous son lit, parmi des poupées mutilées, aux vêtements en lambeaux.Ma mère ramasse la plus proche, intriguée par une inscription minuscule, en stylo rouge, sur la seule jambe qui lui reste.«Érythème solaire», elle lit, à haute voix.Eberluée, elle cherche le regard de Luisa.Inutile : sa petite s’est déjà sauvée.


Deuxième partie
Février 1995


1.
Une vocation difficile

Les années s’envolent; elles ressemblent à des nuages emportés par le vent, qui changent leurs formes, se clivent, créent de nouvelles images, traces de dessins inédits.
Les quatre adolescents que vous avez aperçu il y a quelques pages, maintenant sont adultes.
Et Luisa ? Je veux vous parler d’elle, parce que, d’une façon involontaire, elle va se trouver parmi les protagonistes de ce récit.
Ma sœur, à dix-neuf ans, a cessé depuis longtemps de jouer aux poupées.
Terminé le lycée, elle a visité tous les secrétariats des facultés universitaires de Gênes, et a demandé de recevoir TOUS les programmes.
En famille, on se moquait d’elle :
«Dis-donc! Tu veux t’inscrire partout ? Tu n’a pas une préférence  parmi toutes ces études ?»
En réalité, elle avait un intérêt spécial.

Pendant les années du lycée, en été, ma sœur sacrifiait son temps et son repos en s’occupant des gamins d’une communauté, qui venaient de familles difficiles. (Par exemple, d’un père détenu et d’une mère toxicomane).
Elle passait ses vacances dans la verdure de la pinède de Monteleco, en jouant avec ces adolescents, en parlant avec eux, en creusant dans leur terrifiant vécu, en le distrayant…
(Et, puisque elle y était, en attrapant des poux, de la fièvre,  de la diarrhée et d’autres  bagatelles.)   
Elle terminait l’été maigre et épuisée… Mais satisfaite d’avoir été utile à ces jeunes.
«J’aimerais bien m’occuper des gamins difficiles. Je voudrais en faire mon boulot. Peut-être, je deviendrai assistante sociale.”
 Ma mère a sursauté.
«Tu rigoles? Avec tes bonnes notes au BAC,  pourquoi ne pas t’inscrire à l’université ? Si tu veux aider ces gamins, fais-le au maximum de tes capacités ! »
«C’est à dire?»
«Deviens médecin ! Ensuite tu pourras te spécialiser en pédiatrie, ou pédopsychiatrie...»
Aujourd’hui Luisa sourit, en se rappelant ces anciens projets. À l’heure actuelle elle est médecin rhumatologue, et s’occupe de … gériatrie!


2.
Un parcours difficile

Cinquième année de Médecine: Luisa fait un stage de six mois à l’hôpital pédiatrique Gaslini. Son rêve de s’occuper des enfants se brise.
«J’étais incapable de supporter la vue de leurs souffrances. Je ne pourrai jamais oublier un enfant que j’ai connu là-bas, et qui souffrait d’une Spina bifida. Il avait huit ans à l’époque, et il s’efforçait de marcher avec ses appareils orthopédiques. Son médecin soignant le regardait avec peine, et me prenant à part, me disait : «En tout cas, il va mourir avant de fêter ses quinze ans.» Aujourd’hui ce gosse, s’il était vivant, aurait vingt ans.
Ma sœur est trop impressionnable. Elle vomit quand elle assiste à une autopsie, ou même à une prise de sang. Mais ça lui passera. Elle ne démord pas, et sa constance sera récompensée.
On apprend tout, même le courage.

3.
Leçons de vie

Fini l’expérience traumatisante de l’hôpital pédiatrique, Luisa entame  un autre stage au service de Médecine Interne.
Ici elle rencontre un jeune médecin : Salvatore Casciaro.
Chez moi, on s’habitue à l’entendre nommer souvent. Casciaro est un enthousiaste qui aime son travail et l’accomplit au mieux. Pour cette raison, ma sœur l’estime.
Casciaro devient son mentor et son point de repère: il lui apprend les bases du métier. Comment on lit un dossier médical ? Comment on fait une prise de sang? Comment on prend la tension à un patient ?   Comment on lit un examen histologique?
Sa présence, son élan transforment la froide réalité de l’hôpital en ambiance vive e chaleureuse, dans laquelle se nouent les rapports entre malades, médecins, étudiants.
Des amitiés naissent, et les jeunes commencent à se fréquenter après les heures de travail.


4.
Des buts atteints

Luisa est reçue docteur en médecine.
Depuis ma lointaine France, je regarde les photos de l’événement. Le plus jeune de mes deux enfants a beaucoup de fièvre, et je n’ai pas pu prendre la route pour Gênes. Luisa, dans son tailleur gris-vert, la même couleur que ses yeux, est rayonnante.
Quelques mois plus tard elle s’inscrit à l’Institut Bruzzone, l’école de spécialisation en rhumatologie, là où bientôt elle rencontrera son futur mari, Enrico.
C’est une période heureuse : elle est au comble de son enthousiasme, de sa splendeur, de sa joie de vivre. Ma sœur a trouvé ses vraies vocations, dans le travail et en amour.

Elle se voit toujours avec les amis du service de Médecine Interne, et ainsi n’a pas perdu de vue Salvatore qui, à son tour, a trouvé la compagne de sa vie.
Qui pourrait imaginer que, derrière l’angle, un danger mortel est aux aguets ?


5.
Un événement soudain

C’est une froide soirée de février.
Salvatore à l’époque vit avec sa sœur cadette, Rosaria, qui est aussi sur le point d’être reçue docteur en médecine, et avec sa compagne, Franca, qui attend un bébé de lui. Il s’agit d’une cohabitation provisoire, dans un appartement petit, chaotique, plein de livres, qui reflète leurs études mais aussi leur joie de vivre. Les deux fiancés vont bientôt se marier, et ont commencé les travaux de rénovation de la maison qui les accueillera, après la naissance du bébé.
Il est environ onze heures. Rosaria étudie furieusement, ce qui n’est pas inhabituel : elle cherche à passer ses derniers examens, avant de commencer son mémoire de maitrise…

Soudain, Salvatore entre dans sa chambre. Il ressent des douleurs à la poitrine et un malaise généralisé.
Ces sont les symptômes de l’infarctus.
Un quart d’heure plus tard Rosaria appelle l’ambulance.
Salvatore est souffrant : il est pale et a des sueurs froides. Ses conditions apparaissent graves. Les sauveteurs s’en rendent compte: ils proposent de lui donner de l’oxygène, mais il refuse.
Rosaria et Franca l’accompagnent aux Urgences. Là un des collègues de Salvatore, en train de faire la nuit, confirme le diagnostique d’infarctus. On l’hospitalise immédiatement dans le service de cardiologie, où, peu après, il est soumis à une coronarographie.
Rosaria explique à Franca qu’on va lui injecte un produit de contraste pour visualiser ses  coronaires.
Le résultat confirme qu’il s’agit bien d’un infarctus myocardique. La situation, bien que grave, est sous contrôle. Après administration d’une première thérapie,  les conditions de Salvatore s’améliorent rapidement et il y a une diminution de la douleur
Les deux jeunes femmes restent à son coté jusqu’à environ trois heures du matin.
Rosaria cherche à rassurer Franca,  inquiète à cause de sa grossesse. Elle lui garantit que le personnel soignant est en train de faire de son mieux. Salvatore est entre de bonnes mains.

Mais la sœur de Salvatore n’est pas aussi sereine comme elle voudrait apparaitre. Coïncidence inquiétante: dans ce même service de cardiologie, en 1988, le père de Rosaria e Salvatore a été soigné; et ici, malheureusement, il est mort à cause de complications suivies à une intervention de by-pass.


6.
Evolution défavorable

Pendant le deuxième jour d’hospitalisation, Salvatore ressent de novelles douleurs à la poitrine. On décide de répéter la coronarographie, pour suivre l’évolution de l’infarctus. Il est trois heures de l’après-midi.
Ce même jour, Luisa vient voir Salvatore dans l’unité de cardiologie. Elle remarque une atmosphère de gêne : les infirmières lui refusent de voir le patient. Dans un premier moment elles ne veulent pas lui en expliquer la raison. Puis la mauvaise nouvelle s’abat, comme une foudre : Salvatore est soudainement entré dans le coma.
Luisa cherche à contacter ses proches par téléphone, mais elle n’arrive à joindre personne.


7.
L’ “événement-clé”

«Salvatore, comment te sens-tu? Tu es suffisamment calme ? Le Valium marche?»
«Je suis très angoissé. La douleur est revenue, plus forte.»
«On est là pour ça. On va répéter la coronarographie ; tu connais déjà le procédé. Anesthésie locale à l’aine, puis on attend quelques instants… On va introduire l’aiguille dans l’artère fémorale superficielle, puis le cathéter qui guide l’introducteur du produit de contraste… Regarde dans l’écran. Tu arrives à voir le cathéter qui monte?»
 «Oui… Bien sûr.»
«Voici la coronaire principale. Mais nous voulons une image sélective. Poursuivons. Nous voilà : on va injecter le produit de contraste. Comment vas-tu?»
«Toujours pareil… Ne t’inquiète pas.»
«Là on voit très bien la coronaire intéressée. L’occlusion est ici. Nous sommes dans les branches plus fines, tu vois?»

«Salvatore, tu m’entends?»

«Il ne répond plus, il a perdu conscience!»
«Les paramètres cardiorespiratoires?»
«Mais qu’est-ce qu’il y a?»
«Fibrillation ventriculaire…»
«Il a des convulsions !»
«Mais l’injection? Il y a eu des problèmes?»
 «Apparemment, non. Mais il s’est évanoui toute de suite après…»
«Un embole, peut-être?»
“Un embole peut se produire dans un cas sur mille, mais s’il le fait, il ne demande pas ta permission… »
«Le neurologue est là.»
«On l’amène en réanimation?»
 «Les pupilles ne réagissent pas. Les quatre membres… Absence de reflexes. Mon Dieu, il est dans un coma profond… Nous devons comprendre ce qui lui est arrivé!  Il doit y avoir un embole, une lésion vasculaire cérébrale… Il faut lui faire une TAC, immédiatement!»
«Il est cyanosé…»
«Faites vite... Il s’aggrave.»


8.
Pensées d’un homme qui glisse

Tandis qu’il s’évanouit, Salvatore a un geste de rage: quelque chose est allé de travers. Homme de science, il ne croit pas dans le destin, mais dans la responsabilité individuelle. Qui est le coupable ? Il va le lui payer… Il ne se rend pas compte de perdre conscience. Il rêve du service dans lequel il travaille, il pense à ses collègues, et puis… Il se voit à coté de ses patients. Un par un, il les passe en revue, il s’inquiète de leur état, il s’arrête près de chaque lit, il scrute les visages souffrants. Dans sa soudaine perte de conscience, il a complètement oublié ses propres conditions, l’infarctus, la coronarographie en cours. Il ne se rappelle que de ses patients. Il a oublié la peur de mourir, mais eux, il ne les a pas oubliés, même pas lorsqu’il glissait dans le coma.


9.
Pensées d’une sœur

«Salvatore, je suis là! Ils ne me permettent pas de te voir… Que se passe-t-il ? Il y a eu un changement, dans l’atmosphère ou dans mes perceptions. Franca est dans une petite salle et parle avec un médecin. Je suis trop loin pour entendre leurs voix, mais je vois leurs lèvres qui articulent les mots. Franca est très agitée.
Je me rapproche et j’entends deux mots : « Œdème cérébrale ».
Je rentre sans frapper et demande : « Que se passe-t-il ? »
La réponse du médecin me terrifie.

Ils t’ont placé dans le caisson hyperbare. Je rentre avec Franca mais je n’ose pas te regarder et je lui demande de le faire pour moi. Elle ne dit rien.
Je voudrais bien lui donner du courage. Je n’ai pas oublié qu’elle est enceinte… Mais j’ai le sentiment qu’elle est plus brave que moi.

On t’emmène à la thérapie intensive. Je me cache dans un placard pour ne pas te voir passer, inerte, sur le  brancard. Pardonne-moi ! Je sais que tu n’aimes pas mes superstitions. Tu me connais mieux que tous les autres, tu es le frère le plus cher, tu as treize ans de plus que moi et tu m’as vue naitre… Mais je ne peux pas m’approcher, t’effleurer. Je le pressentiment que, si je te vois dans le coma, j’abandonnerai tout espoir. Je ne peux pas accepter cette réalité insupportable. Tu penseras que je suis bête, mais à ma façon je lutte à ton coté, je barre le chemin à la mort.
Encore une fois, pardonne-moi… Ce rituel magique auquel je m’accroche est mon seul espoir.»


10.
Monologue d’une femme enceinte

«Tu ne ressembles pas à un homme qui dort, tu es trop immobile. Ton sommeil est si profond… On dirait que tu viens de mourir. La vie ne t’a pas encore abandonné, et pourtant, on ne peut pas te réveiller! Tu n’entends pas ma voix… Ecoute! Je te parle de notre avenir. Je te parle de notre bébé ! Tu te rappelles? Lors de l’écographie, tu voulais savoir si on attendait un petit garçon, ou une fille. Moi, j’ai refusé de poser la question, je ne voulais rien savoir… Tu te rappelles ? J’ai été bête. Regarde ici! Je viens de refaire l’écographie. Tu m’entends? Regarde,  je t’ai amené les images. Notre bébé est un petit garçon. Je sais que tu m’entends! Je reste à ton coté. Je veux chanter une de nos chansons. Tu voulais un petit garçon, n’est-ce-pas? Il faut fêter cela. Laisse-moi chanter pour toi !»


11.
Rosaria se cache

«Salvatore… C’est toujours moi, ici, à quelques mètres de l’entrée des soins intensifs.
Je ne peux pas passer la nuit à ton coté. Franca est la seule qui a la permission de le faire.
Je me cache dans un débarras qui donne sur le couloir, où personne ne rentre jamais.
De temps en temps Antonio, l’infirmier qui t’assiste, vient me dire de rentrer chez moi, mais je reste ici.
Aujourd’hui j’ai parlé avec le médecin-chef du service de neurologie. Il a classé ton coma au troisième niveau, le plus grave.
Médecins et infirmières entrent et sortent de la thérapie intensive. Parfois ils m’aperçoivent, quand je me montre dans le couloir, et ils me regardent avec pitié. Ils ont l’air de penser : “Mais qu’est-ce que tu fais là ? Rentre chez toi ! De toute façon, tu ne peux rien changer à la situation”.»


12.
Le défi

Dans une triste soirée d’hiver, un vent glacial hurle dans les rues et dans les frondaisons des arbres.
Luisa est chez elle. Hier elle a vue Salvatore, et les médecins lui ont communiqué l’atroce pronostic : il n’y a plus d’espoir, le patient est condamné.
Depuis, elle n’est plus retournée là-bas. Elle se limite à écouter les mauvaises nouvelles qui pleuvent de partout, médieés par les collègues, les amis, les connaissances. Un sentiment de profonde impuissance l’écrase.
Elle parle longtemps au téléphone avec Enrico; elle se défoule. Son fiancé conclut la conversation avec cette phrase :
« Si tu l’aimes bien, souhaite-lui de mourir !»
C’est difficile à accepter. Pourtant, elle le sait. Elle n’a pas étudié toutes ces années pour ignorer la réalité. Si Salvatore se réveille, selon toute probabilité il sera complètement paralysé. Son cerveau ne fonctionnera plus normalement, ou plus du tout.
Elle erre dans la maison, sans pouvoir se résigner.
Mon père lui pose la main sur l’épaule.
«Même  aujourd’hui, à l’hôpital, j’ai entendu parler de Casciaro.»
«C’était qui ?»
«Une collègue, en radiologie. Il parait que son état n’arrête pas d’empirer…»
Partout, on ne parle que de lui. Les mauvaises nouvelles voyagent rapides et rejoignent tout le monde.
Luisa prend son anorak et s’apprête à sortir. Elle a besoin de dominer son angoisse en marchant, et en respirant l’air glaciale.
C’est à ce moment là que le téléphone sonne. Mon père répond, dans l’entrée.
Luisa passe à coté, hâtive, enfermée dans ses pensées.
Papa couvre le récepteur de sa main et chuchote :
« C’est la sœur du miracle ! »
 Luisa fait une grimace d’impatience, puis se bloque…. Voici ce qu’il faudrait: un miracle ! Un miracle sur commande. Les médecins l’ont bien dit: il n’y a que ça pour le sauver… Et alors, pourquoi pas ?
«Papa… Dit lui si elle peut demander un autre miracle! »
Puis elle se précipite dehors, bouleversée.
Mon père a les larmes aux yeux, mais il reprend à parler avec sœur Matilde. Sa fille, Luisa, vient de présenter une requête d’importance vitale : que les sœurs prient pour le salut de Salvatore, son ami et collègue qui est en train de mourir.
 


13.
La prière

Une fois le téléphone raccroché, sœur Matilde, sans attendre, passera un autre coup de fil. Peu après, son interlocutrice appellera deux, trois personnes. Et celles-ci, à leur tour, décrocheront le récepteur, attendront la tonalité et composeront deux, trois numéros de téléphone.

D’autres appels suivront, et bientôt seront dix, cent, mille. C’est une vraie réaction en chaîne. Tout au long du fil du téléphone il n’y a que peu de données essentielles qui courent: le prénom du malade, Salvatore; son état de coma  profond, pour lequel les médecins ne donnent aucun espoir de réveil. Les sœurs n’ont pas besoin d’autres détails. Il est même trop facile d’imaginer un homme en fin de vie, enfermé dans un silence que rien ne peut briser.
Les grillons du soir déclenchent leur chanson. Les sœurs savent comment on prie avec le cœur pur, pour un homme  qu’elles ne connaissent et ne connaitront jamais.
J’aime penser que ce soir le globe terrestre, vu par un observateur qui se trouve dans l’espace, apparait constellé de petites lumières qui brillent dans l’obscurité. Ce sont les voix des grillons du crépuscule. Ce sont les prières pour Salvatore Casciaro.


14.
Une étrange chronologie

Pendant ces jours, un grand événement est en train de s’accomplir: la béatification d’Agostino Roscelli, justement en vertu du “miracle de l’épingle”.
On n’attend que le document officiel, signé par le Pape, mais désormais on est certain de la victoire.
La proclamation est prévue dans quelques mois.
Et maintenant, d’une façon quasiment intempestive, une nouvelle requête vient d’être présentée au « pauvre prêtre ».
Les bureaucrates de l’Eglise pourraient vous dire que, en principe, un deuxième miracle avant la béatification ne pourrait pas être pris en compte en vue d’une éventuelle sanctification.
Mais ces discours sonnent absurdes !
La situation est telle que, à présent, ce sont la joie et la gloire, bien que légitimes, à apparaitre intempestive.
La place de Saint Pierre, à Rome, attendra. Les foules jubilantes  attendront.
Salvatore Casciaro git sur son lit de douleur, et au Centre de Transplantation on attend le moment opportun pour demander à ses proches le consentement pour l’explantation de ses organes.
Nos protagonistes sont penchés sur le lit d’un homme qui s’éteint.
Ce n’est que par hasard que l’une d’entre eux lève la tête, regarde vers le ciel, et demande l’aide d’Agostino Roscelli.


15.
Un cœur pur

Et Dieu écoute, derrière les nuages. Il écoute les grillons du crépuscule… Il écoute la voix de son prêtre, que dans quelques jours sera béatifié, et qu’il lui adresse toujours le même regard paisible. Il écoute aussi la voix de Luisa, désespérée et pleine de défi. Que fait-il, à votre avis ? Il accepte le défi ? Je ne crois pas. Le désespoir de Luisa cri plus fort que son défi.
Je crois plutôt que Dieu, comme tous les parents, aime spécialement ces fils indépendants, qui ne demandent jamais rien pour eux mêmes, et qui cherchent toujours à s’en sortir tous seuls ; quand ils appellent, ils le font uniquement pour le plaisir d’entendre la voix de papa. Ainsi, quand finalement ils demandent quelque chose, papa se met en quatre pour les contenter.


16.
Rosaria cède sa place

«“…Des emboles gazeux qui  ravagent le cerveau…
… Nuit jour nuit jour nuit…“ 
La blessure ouverte dans cette chambre d’hôpital. La mort de notre père, jamais cicatrisée…
Mon frère bien aimé… On m’a presque obligé de rentrer chez moi. Il y a maman et Maria Teresa. Je dois me mettre de coté. Tous ceux qui t’aiment ont le droit d’être près de toi, dans la seule façon qui nous est encore permise.
Tandis que je m’éloigne, Maria Teresa me chuchote qu’il faut préparer notre mère à l’inévitable.
Elle, tu vois, ne se rend pas compte de ton état. Mais moi non plus. Je suis médecin, et pourtant je n’arrive pas à croire que tu mourras. Je sais, je sens que je te verrai encore sourire, parler avec moi. Il faut tenir bon.»


17.
Franca appelle le prêtre

«Je me vois en train d’agir, comme si j’étais une spectatrice à l’extérieur de mon corps. Je sens que c’est notre bébé qui me donne la force de continuer. Hier j’ai lu quelque part que le prénom Gabriele signifie « force de Dieu ». Maintenant je sais que notre fils, nous l’appellerons ainsi.
Je me vois en train de téléphoner au prêtre pour qu’il vienne te préparer pour ton dernier voyage. Je n’arrive pas à croire que tu partiras! Tandis qu’il s’assoit à ton coté et qu’il te parle doucement, je masse tes pieds.

Ensuite, nous restons seuls, et pour la première fois depuis qu’on se connait, je me fâche avec toi. Je fais la grosse voix. Tu ne veux pas revenir ? Est-ce vrai, tu ne veux pas? Dans ce cas là, j’ai mal fait de croire à tes promesses! Tu as dit que tu voulais vieillir à mon coté, et tu ne le feras pas. Tu me laisseras seule ? Tu dois revenir, tu m’entends ? Reviens, s’il te plait, reviens… Je ne me fatiguerai pas de t’en supplier…
Reviens pour moi, reviens pour Gabriele !
Qu’allons-nous faire, sans toi ?

Soudain, la rage disparait. Je prends ta main et je la pose sur mon ventre. Le bébé est très agité ce soir, il n’arrête pas un seul instant de ruer. Il est surement aussi épuisé que moi. Peut-être ce soir nous irons nous reposer à la maison, tous les deux.

Nous sommes rentrés chez nous, juste pour cette nuit. Il est très tard. J’ai téléphoné à Antonio, l’infirmier qui veille sur toi, et je lui ai demandé de t’embrasser de ma part »

18.
Coïncidence d’événements

Le soir du 9 février la prière des sœurs démarre. Et en même temps un fait tout simple, silencieux se produit : la fièvre de Salvatore disparait.
Nous pourrions penser à une coïncidence ; pourtant ce détail frappe, et en effet il revient souvent dans les récits des témoins.
L’amélioration de l’état de santé de Salvatore Casciaro se manifeste immédiatement après le début de la neuvaine entamée par les sœurs Immacolatine pour demander sa guérison.

Il s’agit du même soir dans le quel Franca et Rosaria sont rentées à la maison,  par une autre mystérieuse coïncidence
Rappelons-nous que, en ce moment, les seuls médicaments qui sont administrées au malade ont le but d’éviter convulsions ou mouvements de décérébration ; bref, on vise à stabiliser l’état du patient, dans l’attente de l’explantation de ses organes. Aucune autre thérapie n’a été prévue. Le réveil du malade n’est pas attendu.

19.
Deux coups de téléphone

«Ce matin, tandis que j’étais à la maison, un des médecins qui s’occupent de toi m’a appelé. Il m’a dit, tout simplement: “Franca, il s’est réveillé!”
Je me suis précipité chez toi. Tu ouvrais les yeux, quand le médecin te demandait de le faire. Pour répondre “oui”  tu m’as serré la main.»

Un son prolongé interrompt le sommeil agité de Rosaria. Elle saisit le récepteur.
« Maria Teresa ? Qu’est-ce qu’y se passe? »
«Il y a un progrès. Salvatore réagit aux stimuli douloureux. »

20.
À propos de miracles

“…Un miracle (du latin miraculum = fait merveilleux, e miràri = s’émerveiller) est un événement extraordinaire, qui se produit en dehors des lois de la nature, ou dans lequel les lois naturelles apparaissent suspendues, pour intervention surnaturelle ou divine… »

“… Dans l’Evangile il y a de nombreux miracles accomplis par Jésus; d’habitude il s’agit de guérisons de maux physiques ou spirituels…”

“… L’Eglise Catholique exige l’attestation de deux différent événement miraculeux comme condition nécessaire pour entamer une cause de canonisation…”

“…De nos jours, l’enquête que l’Eglise mène pour évaluer l’authenticité d’un miracle est d’abord basée sur une analyses attentive, fait par une commission médicale indépendante, qui vérifie si le cas examiné puisse être expliqué par les modernes connaissances scientifiques…”

“… Si la réponse est négative, on évalue les circonstances de l’événement, pour voir si elles sont compatibles avec une intervention divine; par exemple si, en concomitance avec la soudaine guérison, il y a eu de prière pour obtenir une telle grâce… “

“… La définition même de miracle, en tant qu’intervention en dehors des lois de la nature et surtout impossible à reproduire, le place implicitement hors d’une possible enquête scientifique… “

(De Wikipedia, l’encyclopédie  libre)


21.
Les étapes du réveil

10 février
Les conditions  de Salvatore Casciaro sont dans l’ensemble  inchangées, mais la fièvre a  disparu.

11 février
Le dossier médical informe que « le Patient répond aux ordres simples et aux stimulus douloureux. »

13 février
A 7 heure du matin on écrit : «L’amélioration neurologique  progresse.  Le Patient est éveillé, de temps à autre il tient spontanément les yeux ouverts. Il répond à des ordres simples et, avec des signes  de la tête, à d’autres plus  complexes.  Les réflexes aux membres inferieurs réapparaissent. Au membre supérieur droit les mouvements  finalisés sont à nouveau présents ; au membre supérieur gauche réapparaissent les réflexes  musculaires et tendineux, mais pas l’activité motrice. »

14 février
«Le Patient répond de façon adéquate aux ordres simples et complexes ; il est orienté dans le temps et dans l’espace, et il ébauche des réponses verbales.»

15 février
«À 11 heure du matin le Patient sort du Service de soins intensifs et il rentre dans le Service Cardiologique d’urgence. Il est encore stuporeux mais il répond de façon adéquate aux stimuli verbaux.»


22.
Les mots des protagonistes

Salvatore:
“Quand je me suis réveillé du coma, il me semblait impossible d’avoir effleuré la mort. J’étais dans un état de rage réactive. J’avais tout oublié de l’infarctus. Je ne me demandais même pas pourquoi j’étais à moitié paralysé ; je ne pensais qu’à récupérer. ”

Rosaria:
“Quelques jours après son réveil, mon frère était déjà sorti des soins intensifs. Pour nous, ses proches, c’était déjà fantastique penser que se jours n’étaient plus en danger. Concernant la réhabilitation, on s’en inquiéterait plus tard. Maintenant nous étions en train de jouir pour le danger évité.”

Franca:
“Quand il est sorti du coma, nous étions tous émerveillés parce qu’il était parfaitement présent et éveillé, bien que physiquement il fut complètement paralysé. La partie droite de son corps s’est améliorée quelques heures plus tard ; la partie gauche semblait morte, et il n’allait la récupérer que plusieurs mois plus tard.  Mais ce qui frappait le plus, à son réveil, était sa pleine lucidité, regagnée sans le moindre déficit : aux visites de ses collègues médecins il répondait avec les termes techniques, avec exactitude. Au point de vue cognitif, on aurait dit qu’il s’était simplement réveillé du sommeil. ”

Luisa:
“Quand je suis allée le revoir, la première fois après son réveil du coma, Salvatore m’a semblé encore dans des conditions épouvantables. Il était intubé, sous perfusion et scopé ; il ne pouvait même pas parler. C’était choquant de penser que son état était bien meilleur que quelques heures auparavant! Mais dans les jours suivants ses progrès ont été incessants et de plus en plus évidents. Il suffit de penser que, quelques mois après, à la naissance de son fils, Salvatore était à coté de sa femme pendant l’accouchement. En septembre il était présent à mon mariage, désormais parfaitement guéri. Il avait repris son travail à l’hôpital : de sa parésie gauche ne  restait que quelques hésitations, qui allaient disparaitre par la suite.”


23.
Les mots des témoins 

Le médecin chef du service de neurologie de l’hôpital San Martino, Giovanni Regesta:
«L’évolution du tableau clinique, si rapide et favorable, jamais constatée dans mon expérience professionnelle ni dans la littérature médicale, est totalement inexplicable, tenu compte des conditions cliniques du patients et des altérations structurelles de départ. »  

Le chef du service d’Anesthésie et Réanimation de l’hôpital San Martino, Franco Henriquet, qui à l’époque se déclarait  athée :
« En effet quand j’ai vu la réapparition de la conscience j’ai eu le sentiment que quelque chose de miraculeux s’était  produit.» 

Le médecin spécialiste en Maladies de l’Appareil Respiratoire Andrea Venturini :
« J’estime qu’il s’agit d’une guérison extraordinaire et sans précédents.»
Ici je cite seulement trois témoins médecins  qui ont fait des affirmations très sûres et incisives. Mais il y en aurait beaucoup d’autres.


24.
Ça fait peur

Parmi tous les témoignages que j’ai recueillis, j’ai été frappée par la carence de souvenirs de Salvatore Casciaro. À part son coma, je crois comprendre la vraie raison de son grand vide de mémoire.
Parler de la mort, ça fait peur. Parler d’une maladie grave, d’un coma dépassé, des médecins qui attendaient le moment opportun pour demander à tes proches la permission pour explanter tes organes, ton cœur, tes reins… Ça fait peur.
C’est un voyage dans une terre inconnue, de laquelle personne n’est jamais revenu. Une terre sombre, tourmentée par les éclairs de la douleur ; une terre dangereuse, secouée par les tremblements de la terreur.
Une terre que moi, Salvatore, nous tous devrons traverser tôt ou tard.
C’est pourquoi même les questions qui suggèrent ce lieu nous effraient, et répondre devient difficile.


25.
Pourquoi?

Mais il y a une question que personne ne peut faire taire. Contre ceci, même la peur ne peut rien.
Elle vient à nous, amené par la voix de millions d’êtres jadis vivants, qui nous ont précédé dans la mort. Elle vient à nous, amenée par les voix de tous ceux qui ont perdu un être cher.
C’est une question sans réponse : ni pour Salvatore Casciaro, ni pour tous les autres.
Pourquoi ?
Pourquoi lui, juste lui, a été miraculé? Pourquoi ce concours de circonstances, le coup de téléphone de Sœur Matilde, la réaction de Luisa ? Pourquoi une prière, que Salvatore n’aurait jamais demandée pour soi-même, lui a rendu sa vie ?
Pourquoi d’autres, de leur coté, n’ont pas eu de réveil, et sont allés jusqu’au bout de leur gouffre ?


26.
Si tu le comprends

Saint Augustin dit :
“Si comprehendis, non est Deus.”
« Si tu le comprends, ce n’est pas Dieu. »
Dieu est incompréhensible. Mais son mystère insondable nous entoure, s’étend  partout devant nos yeux.
Et nous sommes là. Pour voir. Pour réfléchir. Pour lutter ou pour nous rendre. Pour lui demander une réponse, pour la demander à nous mêmes.
Par quel critère toi, Dieu inconnu, choisis les bénéficiaires de tes miracles ?

Comment savoir si, au moment du danger, tu viendras nous sauver, ou bien tu nous laisseras tomber?

Un événement comme celui que je viens de raconter peut changer la vie de ceux qui l’ont vu se produire. Parmi les protagonistes et les témoins de ces faits, certains ont expérimenté cette transformation. D’autres ont laissé leurs vies s’écouler comme si rien n’était.

Parfois, dans notre dimension humaine, même la vision du visage de Dieu ne peut pas nous changer radicalement.

Mais tout cela ne répond pas à notre question.


27.
La canonisation

Maintenant, nous allons faire un bond en avant dans le temps.
Il y aura une grande foule autour de place Saint Pierre, dans une chaude journée de printemps, dans un flottement de foulard blanc et bleu ciel.
Il y aura nos protagonistes et nos témoins, serrés au milieu de la multitude, autour de l’autel, semblables à eux-mêmes et pourtant transformés à jamais, en profondeur, par tout ce qui est arrivé.
Il y aura Salvatore avec Franca : mais ils ne seront plus seulement deux, ils seront trois. Ils auront avec eux le petit Gabriele, qui offrira au Saint Père, Jean-Paul II, une petite boite de bonbons au rossolis.
Il y aura Sœur Matilde, cachée au milieu du groupe de nonnes.
A coté de mes parents j’y serai, moi aussi, avec un de mes enfants, un garçon de quinze ans, désormais plus grand que moi.
Et dans cette splendide célébration de la vie et du mystère qui l’enveloppe, il y aura le portrait d’Agostino Roscelli qui dominera la place, Saint parmi les Saints.


28.
Hypothèse

Même cette scène joyeuse que j’ai encore devant mes yeux, bien nette, ne peut répondre à la question la plus brûlante: pourquoi la vie de Salvatore Casciaro fut sauvée?

Une hypothèse parfois jaillit parmi mes réflexions, et souvent revient, insistante.
Je me rappelle de ces sentiments de soucis pour les autres qui ont habité nos protagonistes dans les moments cruciaux… À chaque fois, la prière est née d’un cœur pur et altruiste.
Je revois Sœur Matilde qui, dans l’attente de l’intervention chirurgicale, pense à ses élèves et pas à elle-même.
Je revois Salvatore qui, au bord de la mort, s’inquiète pour ses patients.
Je revois Luisa aussi, qui pleure pour Salvatore, amie désintéressée.
Leurs pensées, leurs prières sont des flèches enflammées.
La première prière s’envole. C’est la voix de Luisa, rageuse et peut-être découragée, mais sans le moindre égoïsme.
Une première flèche qui part vers Dieu.
Une deuxième prière décolle : c’est la voix de Sœur Matilde, qui donne lieu à plusieurs autre voix.

Maintenant, les flèches enflammées sont dix, cent, mille. Elles s’éloignent vers le haut, disparaissent de notre vue.
Elles touchent leur cible, derrière les nuages, et le Ciel prend feu.


Remerciements

Je tiens à remercier mon fils Martino Tarantola et mon neveu Stefano Guglielmi pour leur aide précieux dans la traduction en français.

 

 

 


                                                                                                                                                                           

 

Copyright 2011 - Immacolatine